Journal Intime d'une Dépressive qui se Soigne

Je m’appelle Élyra Solän. Jeune femme d’une trentaine d’années, maman de deux enfants, j’apprends à affronter mes peurs, mes blessures et mes silences. J’écris ici pour me soigner, pour me retrouver, et pour ne plus transmettre ce qui m’a fait mal. J’ai compris que demander de l’aide, c’est une immense force.

Il y a des endroits qu’on croit connaître par cœur.
Des pièces où l’on a ri, pleuré, vécu, aimé.
Des murs que l’on a touchés mille fois sans y penser.
Et puis un jour, sans qu’on comprenne comment,
ces mêmes murs ne savent plus qui nous sommes.

C’est exactement ce qui m’est arrivé.
Ma maison n’a pas changé d’adresse…
mais elle a oublié mon nom.

Je réapprends à vivre dans des espaces qui ont oublié mon nom.

Depuis qu’il est parti, rien n’est à la même place.
Pas les meubles, pas les silences, pas mon corps dans l’espace.
Je marche dans cette maison comme on marche dans un lieu qu’on connaît
mais qui nous échappe soudain,
comme si chaque pièce avait glissé d’un millimètre pendant la nuit.

Avant, j’y vivais.
Aujourd’hui, je la subis.

Parce que je me rends compte d’une chose terrible,
une chose que je n’aurais jamais osé penser à voix haute :
partout où il allait, j’étais chez moi.
Mais quand il n’est plus là… je ne suis chez moi nulle part.

Alors oui, j’essaie.
J’essaie de me réapproprier les lieux, de remettre un peu de moi quelque part,
de ramener ma trace là où la sienne s’est effacée trop vite.

J’ai commencé par un canapé.
Le nôtre était petit, simple, étriqué comme tout ce que je ressens aujourd’hui.
J’avais besoin d’espace, de douceur, de quelque chose qui puisse accueillir
les soirées pyjama du dimanche,
ces nouveaux rituels à trois
qui seront notre façon à nous de tenir debout.

Le nouveau canapé n’est pas grand-chose.
Mais c’est un début.
Il remplit un coin du salon,
et ce coin-là commence enfin à respirer autrement.

Ensuite, il y a les projets de travaux.
Des peintures que j’ai toujours voulu faire,
des couleurs que je n’ai jamais osé choisir,
des choses reportées pendant des années
par manque de temps, de force, ou peut-être juste d’existence.

Maintenant, je me surprends à y penser.
À les imaginer.
À me dire que peut-être
je pourrais enfin décider seule de ce qui habite mes murs.

C’est étrange, cette idée de reconstruire ma place dans un endroit
où je ne suis plus sûre d’exister.

Je marche, je regarde autour de moi,
je tente de comprendre comment réapprendre ce lieu,
comment me réancrer dans un sol qui ne me reconnaît plus.

Rien ne sera immédiat.
Rien ne sera simple.
Chaque objet déplacé me renvoie quelque chose que je perds,
et quelque chose que je tente de retrouver.

Mais je sens malgré tout une petite chose,
minuscule, fragile, vacillante —
pas de l’espoir, non.
Juste… la possibilité d’un espace à moi.

Un espace qui viendra peut-être,
pièce après pièce,
geste après geste,
dans la lenteur que demande une maison qui doit réapprendre mon nom.

Je ne sais pas encore comment redevenir chez moi ici.
Je ne sais pas encore comment remplir ce vide sans me perdre dedans.
Mais je sais une chose :

je suis en train de reconstruire ma place
dans ces quatre murs qui ne me reconnaissent plus.

Et pour l’instant, c’est suffisant.

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