Journal Intime d'une Dépressive qui se Soigne

Je m’appelle Élyra Solän. Jeune femme d’une trentaine d’années, maman de deux enfants, j’apprends à affronter mes peurs, mes blessures et mes silences. J’écris ici pour me soigner, pour me retrouver, et pour ne plus transmettre ce qui m’a fait mal. J’ai compris que demander de l’aide, c’est une immense force.

J’ai arrêté de demander la permission. J’ai commencé à vivre

Il y a des gestes minuscules qui marquent des tournants immenses.
Parfois, ce n’est pas un cri, pas un affrontement, pas une rupture.
Parfois, c’est juste un canapé.
Ou plutôt : le moment où tu décides de le choisir seule, de l’aller chercher seule, de ne plus demander la permission pour t’autoriser à exister comme tu veux.

Ce week-end-là, quelque chose en moi s’est déplacé.
Discrètement.
Mais irréversiblement.

Il y a quelque chose que j’ai compris ce week-end-là,
quelque chose que je n’avais jamais vraiment voulu regarder en face.

Depuis des années, ma sœur et mon beau-frère vivent dans cette illusion
qu’ils « savent mieux que moi »,
qu’ils sont plus capables,
plus solides,
plus organisés.
Ils se sont habitués à ce que je demande,
à ce que j’attende,
à ce que je me repose sur eux — ou que je sois perçue comme telle.

Et pour eux, chaque service rendu devenait une forme de monnaie.
Un échange implicite,
un poids qu’ils ressentaient en permanence,
comme si m’aider leur ouvrait un droit de regard
sur ma vie,
mes choix,
mes décisions,
mon quotidien.

Il y avait, sans que je ne m’en rende compte,
une forme d’emprise douce,
cachée derrière l’habitude,
la famille,
le “on est là pour toi”.

Mais la vérité, c’est qu’on n’est jamais vraiment aidé
par quelqu’un qui, en secret,
attend d’avoir quelque chose à te reprocher plus tard.

Ce dimanche-là, quand j’ai dit que j’allais voir un canapé,
j’ai senti immédiatement le mécanisme s’enclencher :
les questions,
les remarques,
et cette étrange idée que forcément,
il faudrait passer par eux.

Comme si ma sœur devait valider chaque décision.
Comme si mon beau-frère devait contrôler les clés,
les portes,
les mouvements,
comme si tout ce qui m’appartenait devait passer entre leurs mains
pour exister correctement.

Mais cette fois, je n’ai rien demandé.
Pas par provocation.
Pas par rancœur.

Par choix.

Parce que j’ai enfin compris que chaque fois que je m’en remettais à eux,
même pour une bricole,
je leur laissais un morceau de mon autonomie.
Un petit morceau de ma liberté.
Et ce jour-là, j’ai réalisé que je ne voulais plus vivre sous ce système-là.

Alors oui, quand ils m’ont dit :
« On est là aussi, si tu as besoin d’aide »,
j’ai entendu autre chose derrière les mots.

J’ai entendu :
« Ne fais pas sans nous.
Ne grandis pas sans nous.
Ne prends pas l’habitude de réussir seule.
On perdrait notre rôle.
On perdrait notre contrôle. »

Et ce n’est pas de la méchanceté.
C’est de l’habitude.
Une dynamique installée depuis des années.
Une place que je leur avais laissée sans jamais la questionner.

Mais en ramenant ce canapé,
sans eux,
avec quelqu’un qui me respecte et m’aide sans condition,
j’ai senti un verrou sauter en moi.

J’ai senti que je n’avais plus à passer par eux pour exister.
Que leur validation n’était plus une étape obligatoire.
Que je pouvais créer ma vie
sans demander la permission
à ceux qui ne m’ont jamais vraiment vue.

Et c’est là que j’ai compris :
ce n’est pas le canapé que je ramenais chez moi.
C’était ma souveraineté.
Ma capacité d’agir seule.
Mon espace qui m’appartient.

Pour la première fois depuis longtemps,
je me suis prouvée à moi-même
que je pouvais faire.
Que je pouvais décider.
Que je pouvais avancer.
Même seule.
Surtout seule.

Et ça…
ça a tout changé.

Ce n’était pas un meuble.
Ce n’était pas un changement de décor.
C’était un changement de place — ma place.

Ce jour-là, j’ai posé un canapé dans mon salon,
mais surtout, j’ai reposé mes deux pieds dans ma propre vie.
Sans demander l’avis de personne,
sans chercher une validation qui n’arriverait jamais,
sans me diminuer pour rester dans un rôle qui ne me convenait plus.

J’ai repris un espace que j’avais laissé aux autres.
J’ai coupé un fil invisible.
Et j’ai senti, pour la première fois depuis longtemps,
que ma vie m’appartenait de nouveau.

Ce jour-là,
j’ai cessé de demander la permission.
Et j’ai commencé à vivre.

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