Journal Intime d'une Dépressive qui se Soigne

Je m’appelle Élyra Solän. Jeune femme d’une trentaine d’années, maman de deux enfants, j’apprends à affronter mes peurs, mes blessures et mes silences. J’écris ici pour me soigner, pour me retrouver, et pour ne plus transmettre ce qui m’a fait mal. J’ai compris que demander de l’aide, c’est une immense force.

J’ai longtemps laissé les autres entrer dans ma vie sans frapper.
Aujourd’hui, ma paix n’est plus une porte ouverte.

Il y a des moments où l’on tient debout de justesse.
Des moments où chaque jour ressemble à une bataille silencieuse contre soi-même une bataille que personne ne voit, que personne ne comprend vraiment.

Et c’est souvent dans ces moments-là, les plus fragiles, que la vie appuie sur une vieille blessure.
Sans douceur.
Sans prévenir.
Sans égard.

Ce matin-là, j’allais mieux.
Pas bien, mais mieux.
Assez pour respirer.
Assez pour espérer que la journée ne me tombe pas dessus.

Puis un message est arrivé.

Pas un drame.
Pas une catastrophe.
Juste… un message.

Mais ce n’est jamais “juste un message” quand on va mal.

Il a été envoyé publiquement, à plusieurs personnes, sur un ton sec, froid, autoritaire.
Un message qui aurait dû être privé.
Un message qui aurait pu attendre.
Un message qui aurait pu être dit autrement, avec respect, tact, humanité.

Ce que j’ai reçu, ce n’était pas une simple demande.
C’était une intrusion.
Une pression.
Une humiliation déguisée.
Une tentative de reprendre un pouvoir qui ne leur appartient pas.

Et j’ai senti mon énergie s’effondrer d’un coup.

Ce message n’a pas touché que mon présent.
Il a rouvert toutes les portes de mon passé :

— celles où je devais me taire,
— celles où je n’avais jamais mon mot à dire,
— celles où on décidait pour moi,
— celles où je devais encaisser,
— celles où on me parlait comme si je n’avais pas de valeur,
— celles où mon espace ne m’appartenait pas.

Ce n’est pas le contenu qui m’a blessée.
C’est le ton, la manière, le moment.
C’est l’absence totale de considération pour mon état mental actuel.
C’est cette façon de m’adresser un ordre public, comme si j’étais une enfant, comme si je ne savais pas gérer ma vie, comme si mon état n’avait aucune importance.

La colère de l’humiliation

Ce que j’ai ressenti, c’est une colère profonde.
Pas violente.
Pas explosive.

Une colère triste, usée.
Une lassitude qui prend la poitrine comme un poids immense.

Je suis fatiguée.

Fatiguée qu’on s’autorise à intervenir dans ma vie sans me demander mon avis.
Fatiguée qu’on minimise sans cesse ma santé mentale.
Fatiguée qu’on ignore mes limites comme si elles n’avaient aucune importance.
Fatiguée qu’on me parle comme à quelqu’un qu’il faut corriger, cadrer, diriger.

Je me reconstruis.
Je me bats chaque jour pour tenir debout.
Je n’ai plus la force d’absorber des intrusions déguisées en “préoccupations”.

Ce n’est pas une question de serrure ou de mur.
C’est une question de respect.
De dignité.
D’humanité.

Ce que j’aurais eu besoin d’entendre

Dans un monde sain, la version respectueuse aurait ressemblé à ceci :

« Quand tu seras prête, on regardera ensemble les réparations.
Pas d’urgence. Tu me dis quand c’est bon pour toi.”



Privé.
Simple.
Humain.

Pas un message collectif.
Pas une accusation.
Pas une pression.
Pas une intrusion dans un moment où je lutte déjà pour respirer.

L’empathie, c’est ça : respecter le rythme de l’autre.
Pas lui imposer le sien.

Ce que j’ai osé demander

Dans cette détresse, j’ai fait quelque chose que je fais rarement :
j’ai demandé du soutien à ma mère.

J’ai espéré qu’elle me protège.
Qu’elle me défende.
Qu’elle remette les choses à leur place.
Qu’elle dise ce que je rêve d’entendre depuis toute une vie :

“Respecte-la.
Ce n’était pas le moment.
Occupe-toi de tes affaires.
Ne lui rajoute pas ça maintenant.”

J’ai espéré qu’elle me choisisse, moi.

Juste cette fois.
Juste là, quand j’en avais vraiment besoin.

Ce que je protège maintenant

Aujourd’hui, je protège :

— ma paix mentale
— mon énergie émotionnelle
— mon espace vital
— ma dignité
— mon autonomie
— ma reconstruction

Je refuse d’être un terrain d’occupation émotionnelle.
Je refuse qu’on s’autorise à entrer chez moi dans ma vie, dans ma tête sans frapper.
Je veux qu’on respecte mes limites.
Je veux qu’on me parle comme à une adulte.
Je veux qu’on me laisse gérer ce qui m’appartient.
Je veux qu’on cesse de décider pour moi.

Et surtout, aujourd’hui, je peux enfin dire :

Je ne suis plus une terre en libre accès.
Je ne suis plus un espace où l’on entre sans frapper.
Je ne suis plus une petite fille qu’on corrige.
Je ne suis plus celle qui encaisse.
Je suis une femme en reconstruction  et ma paix n’est plus négociable.
Qu’on aime ou pas, qu’on comprenne ou pas : ce n’est plus mon problème.

Ceux qui ne vivent pas une dépression pensent souvent qu’un simple message ne peut pas faire si mal.
Ils ne voient pas l’équilibre fragile.
Ils ne voient pas les journées passées à essayer de tenir debout.
Ils ne voient pas la reconstruction silencieuse, invisible, mais quotidienne.

Ils ne voient pas que parfois,
une seule intrusion suffit à fissurer tout ce qu’on tente de réparer.

Alors je le dis ici : On ne doit plus accepter ce qu’on a accepté par survie.
On ne doit plus laisser les autres définir l’urgence.
On ne doit plus laisser quiconque piétiner notre paix.

Parce qu’on a déjà assez porté.
Parce qu’on apprend enfin à se choisir.
Parce qu’on mérite le respect sans conditions, sans excuses, sans justification.

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