
Je garde ma mère dans mon histoire, mais je reprends ma place dans la mienne.
Pour survivre, j’ai appris à me taire
Il y a des blessures qui ne laissent pas de marques visibles.
Elles s’installent dans les gestes manqués, les silences trop longs, les câlins qui ne viennent jamais.
Elles ne détruisent pas tout d’un coup :
elles creusent, doucement, en profondeur.
C’est dans ce creux-là que j’ai grandi.
J’ai grandi à côté d’une mère qui n’était pas vraiment là
Ma mère était toujours occupée.
Toujours fatiguée.
Toujours absorbée par autre chose.
Et moi, j’étais l’enfant qui ne devait pas déranger :
celle qui comprend trop tôt,
qui se fait petite,
qui porte tout sans jamais rien dire.
Je n’ai pas grandi dans les conflits.
J’ai grandi dans l’absence.
Et cette absence-là façonne une enfant autant qu’une présence blessante.
Une femme dominée ne peut pas être une mère protectrice
Je l’ai compris bien plus tard :
ma mère n’était pas distante par manque d’amour.
Elle était soumise à un homme qui prenait toute la place,
à un mari qui décidait, critiquait, écrasait.
Elle marchait sur des œufs.
Elle se taisait pour survivre.
Comment aurait-elle pu me protéger,
elle qui ne pouvait même pas se protéger elle-même ?
La lignée émotionnelle qu’on ne voit pas
Petite, je croyais que ma grand-mère était douce.
Et puis la maladie d’Alzheimer a enlevé les filtres…
et j’ai découvert une femme dure, cassante, autoritaire.
Alors j’ai compris :
si ma mère n’avait jamais connu la douceur,
comment aurait-elle pu me l’offrir ?
Elle n’a pas su accueillir mes émotions
parce qu’elle n’a jamais appris à accueillir les siennes.
J’aurais eu besoin d’une maman… pas seulement d’une mère
Un jour, j’ai fini par lui dire la vérité :
“J’ai manqué d’une maman.
Une maman qui protège, qui écoute, qui console, qui tient.”
Pas pour l’accuser,
mais pour ne plus me sentir coupable d’un manque qui n’a jamais été ma faute.
Ce dont j’aurais eu besoin, c’est de :
• présence
• douceur
• protection
• écoute
• câlins
• mots
• « Je t’aime »
• « Je suis là »
Toutes ces choses qui construisent un enfant
et qui m’ont tant manqué.
Aujourd’hui, je vois la femme derrière la mère
Je ne lui en veux plus.
Je vois ses failles, son histoire, ses blessures.
Je rends à son passé ce qui lui appartient
et je reprends ce qui m’appartient à moi :
ma voix,
ma place,
ma liberté d’exister sans m’effacer.
Je n’attends plus la maman que je n’ai pas eue.
Mais je laisse une petite place…
au cas où, un jour, elle saurait dire :
« Je suis là. »
ou
« Je t’aime. »
Guérir, c’est remettre chacun à sa juste place
Je ne réécris pas mon passé.
Je n’efface rien.
J’apprends simplement à me reconstruire autrement,
sans reproduire le silence qui m’a blessée,
sans m’inventer une mère que je n’ai jamais eue.
Je me soigne.
Je me relève.
Je redeviens complète — autrement.
Et je garde ma mère dans mon cœur…
à sa juste distance,
à sa juste place.
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