Journal Intime d'une Dépressive qui se Soigne

Je m’appelle Élyra Solän. Jeune femme d’une trentaine d’années, maman de deux enfants, j’apprends à affronter mes peurs, mes blessures et mes silences. J’écris ici pour me soigner, pour me retrouver, et pour ne plus transmettre ce qui m’a fait mal. J’ai compris que demander de l’aide, c’est une immense force.

J’ai grandi derrière une vitre froide : lui d’un côté, moi de l’autre — sans jamais réussir à nous rejoindre.

Il y a des figures parentales qui construisent.
Il y en a d’autres qui marquent.
Et puis il y a celles qui blessent en croyant éduquer.

Celle de mon père fait partie des blessures qui forgent silencieusement une vie entière.

Ce n’est pas une histoire de rancœur.
C’est une histoire de vérité.
Une histoire que je n’ai jamais osé raconter à voix haute — parce qu’elle me faisait croire que j’étais le problème.

J’avais tort.

UN PÈRE QUI PRENAIT TOUT L’ESPACE

Mon père était froid.
Autoritaire.
Méprisant.
Un homme dont la parole tombait comme une sentence.

J’ai grandi dans son ombre, dans sa colère, dans ses humiliations quotidiennes.
Pas de coups.
Mais des mots.
Des mots qui lacèrent bien plus profondément que les gestes.

Je me souviens de la première phrase qui m’a fissurée :

> « Tu n’es pas ma fille. Tu ne l’as jamais été. Tu ne le seras jamais. »



J’ai appris très jeune à me réduire pour ne pas provoquer de tempête.
À deviner ses humeurs.
À anticiper ses explosions.
À vivre dans un corps crispé.

Et à croire que si un père ne m’aimait pas, je devais avoir quelque chose de cassé en moi.

UNE VIOLENCE PSYCHOLOGIQUE QUI MARQUE LE CORPS

Mon père n’avait pas besoin de crier fort pour faire mal.
Son mépris suffisait.

Son regard savait humilier. Ses mots savaient détruire :

> « T’es incapable. Bonne à rien. »
« Tu finiras dans une camionnette sur la 23, les cuisses ouvertes. »
« Une femme, ça ferme sa gueule et ça obéit. »



Oui.
J’ai grandi avec un père qui considérait les femmes comme des objets.
Qui pensait qu’une femme devait dire oui quoi qu’il arrive.
Que son corps ne lui appartenait pas.

Les racines du silence, du consentement forcé,
de la peur de refuser,
ont germé là.

Dans ce terreau toxique.

ET POURTANT… UNE LÉGÈRE FAILLE DANS SON ARMURE

Il y a eu un moment différent.
Un seul.

Le jour où je suis tombée enceinte.

Quand certains voulaient me forcer à avorter en Hollande
— parce que le délai légal était passé —
il s’est opposé, violemment, fermement.

> « Cet enfant n’a rien demandé. On va l’élever. On va serrer les coudes. »



C’était la seule fois où il a tenu une place de père protecteur.
Une étincelle.
Un instant de présence.

Mais une lumière unique ne guérit pas une nuit entière.

LE SOULAGEMENT IMPARDONNABLE dont je me suis longtemps voulu

Quand il est mort, j’ai ressenti un soulagement.
Et j’ai cru que ce soulagement faisait de moi une mauvaise fille.

Aujourd’hui, je sais que non.

Son départ a mis fin à sa domination.
À ses humiliations.
À sa voix dans ma tête.

Sa mort n’a pas libéré mon cœur.
Elle a libéré ma respiration.

C’est après sa disparition que j’ai commencé à guérir.

JE NE TE PARDONNE PAS — JE ME LIBÈRE

Je n’ai pas besoin de pardonner pour avancer.
Je n’ai pas besoin de minimiser pour comprendre.

Je lui rends ce qui lui appartient :
la honte, la violence, le mépris, la dureté.

Je garde ce que je veux :
la force d’avoir survécu,
la résilience,
la volonté de devenir une femme différente de celle qu’il voulait façonner.

Je ne te dois rien, papa.
Mais je me dois tout à moi-même.

Je me choisis.
Enfin.

Raconter cette histoire n’est pas une vengeance.
C’est une libération.

Parce que mettre la lumière sur la violence,
c’est empêcher qu’elle continue d’exister dans l’ombre.

Aujourd’hui, je guéris de lui
en refusant de devenir ce qu’il a voulu que je sois.
Je guéris en aimant à voix haute.
En respectant les femmes — et la femme que je suis.
En transmettant à mes enfants autre chose que ce que j’ai reçu.

Je guéris
en me choisissant,
chaque jour,
un peu plus.

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